La ville que parle au ciel - La légende des nuées écarlartes #1 - Saverio Tenuta (2006)

Publié le par Paul B.

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Après Pinocchio de Winshluss, voici la seconde chronique dans le cadre de k.bd : la ville qui parle au ciel, premier tome de la série "la légendes des nuées écarlates", scénarisé et dessiné par l'italien Saverio Tenuta.  Dès les premières pages feuilletées, on sent d'emblée qu'on a affaire avec un auteur qui maîtrise plus que le dessin, la composition des images (attention j'ai bien "image", case, pas "planches") : souvent beaucoup de forces dans les cadrages, complété par un sens des couleurs agressives (accords des rouges violents, blancs purs et bruns). D'ailleurs, un petit tour sur la toile vous confirmera qu'esquisses et couvertures de Tenuta sont réussies pour qui aiment les compositions baroques, proche de l'esthétisme développée dans certains comics : vous trouverez sur son site : http://redsectorart.com/tenuta/ des wolverines-loup ou des hell-boy très fidèles à Mignola. Pas étonnant qu'il collabore avec des auteurs de comics américains (une participation dans JLA, il me semble). Sa formation, peintre à l'académie des beaux arts de Rome, explique sans doute ce talent. Auteur italien, il a cherché des débouchés ailleurs (il semblerait, je n'y connais rien, que la bd italienne soit assez atone) : aux USA donc, mais aussi en France, à travers cette série que je vous présente aujourd'hui (seule parution en France de lui ?).

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On en arrive à plusieurs questions-mystères de cette série : quel "contrat" Tenuta a passé pour publier cette série ? avait-il le choix du thème / du format (le format classique français commence vraiment à m'ennuyer de plus en plus...) ? avait-il le choix de travailler seul ou avec un scénariste ?  de combien de temps a t'il disposé pour mettre en place la série ? la couleur était-elle obligatoire ? Bref, vous devez commencer à vous douter que je vous prépare à quelques remarques de ma part... D'emblée, je ne pense pas que le thème choisi soit le mieux en adéquation avec le graphisme de Tenuta : on sent rapidement que l'auteur est assez novice sur la culture japonaise : s'il souhaitait délibérement s'éloigner de la réalité historique (ce qui paraît être le cas via l'introduction du fantastique), je pense qu'il aurait été mieux de construire plus finement l'univers déployé. Après c'est un avis personnel, aimant les univers fantasy soigné (je pense à Servitude par exemple, ou un bouquin génial de Jaworski : Janua Vera). Je trouve que son graphisme correspond mieux à un univers moderne et comic.

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Ensuite le format : le format court français est redoutable et exige d'avaler le scénario à toute vitesse et avec habilité. Autant dire casse-binette pour la majorité des auteurs actuels qui balance entre "48 pages où il ne se passe rien" ou "48 pages où on ne comprend rien". En gros, pour dire que Tenuta ne pouvait que se planter (je m'excuse pour la violence du mot) : le scénario aurait mérité une relecture et un bon nettoyage. Dommage car de bons éléments sont sous-jacents : univers où la glace progresse, violence des persos, figure de la jeune fille puuure, signification du titre délivré loin dans l'album, titre de la série et titre de l'album alléchants, même si je n'ai pas compris le titre de l'album à la fin, en fait.  Mais traités de manière trop sérieuses, parfois conventionnelles (héros conventionnel, méchante conventionnelle). Un scénariste aurait sûrement été utile pour cadrer Tenuta, qu'on sent maladroit avec l'histoire, maladroit avec les dialogues (trop de blabla !). Là encore c'est un avis perso, car l'épaisseur verbeuse des comics m'agace souvent (quelle manque de tolérance !). De plus, la puissance graphique du trait de chaque case se collisionne souvent avec la case d'à côté... il y a un manque de hiérarchie dans la richesse des cases. Le format n'est pas adapté (autorisant peu les pleines pages et les audaces graphiques). Seul Bilal parvient à additionner puissance graphique et composition de planches. Dommage encore, car il y a des cadrages intéressantes quand on regarde mieux : notamment une case joyeusement gore avec un oeil et un bras dans des cases en forme d'épée. J'aime ! Enfin la couleur : si au départ j'étais enthousiasmé par ses accords rouge-blanc-noir, au bout d'un moment il y a overdose qui atténue grandement la force des couleurs. Ceratines scènes sont en effet très belles (rouges des feuilles et bleu des drapeaux dans le duel automnal). Mais finalement, je suis dubitatif sur leur enchaînement. Simplification, nettoyage, hierarchisation me paraissent nécessaires.

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Pour conclure, derrière le mic-mac apparent de l'album, j'ai découvert un très chouette graphiste, d'autant plus intéressant qu'il vient d'italie et que le graphisme français est souvent "mou", dont le travail gagnerait sans doute à être cadré par un scénariste, ce qui pourrait donner de vraiment très bonnes choses ! Ce qui est d'ailleurs finalement agaçant (je suis encore agacé !) : on sent qu'il y a du potentiel, mais qui n'est pas encore bien converti dans les résultats. J'incrime donc moins l'auteur, que le format de la bd française, qui le conduit inévitablement dans de nombreux travers. Auteur à suivre ! Mais lirais-je la suite des "Nuées" ? A priori non , compte tenu des retours déjà lus dans la sphère k.bd. Par contre, si je tombe un jour sur une oeuvre de lui publiée aux USA, je vous tiendrais au courant, ainsi que si je trouve un poster fait par lui. Je vous engage donc à feuilleter ce bouquin en médiathèque et retenir en tête l'auteur pour la culture bd. 

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Publié dans monde européen

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