Le marécage, Choi Kyu-sok

Publié le par Paul B.

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Attention coup de coeur :D. Le monde coréen, très dynamique et passionnant, commence à peine à poser un pied sur notre vieille France avec des réussites comme La bicyclette rouge de Kim Dong Hwa ou Brève cohabitation de Jang Kyung-Sup, deux chefs d'oeuvres à connaître, l'un se plaçant dans la vie de tous les jours d'un facteur de la campagne coréenne, et l'autre évoquant la cohabitation d'un étudiant et d'un cafard à taille humaine (ne vous arrêtez pas là on entre tout à fait dans l'histoire !). Avec Choi Kyu-sok, connu aussi pour le recueil l'amour est une protéine -que je trouve inégal-, on entre de plain pied dans la vie quotidienne de 4 étudiants miséreux + un cerf squatteur cynique dans une ville coréenne et on suit en chapitres leurs tribulations. 

L'oeuvre télescope d'emblée divers mondes graphiques et d'interprétations du réel : les objets passent allègrement de leur statut inanimé à une métaphore humaine, les animaux parlent le plus souvent, l'apparence des personnages varient selon que l'ouvrage s'approche de la réalité et de la vie aisée -dessin fluide et réaliste-, à la misère quotidienne plus schématique.  L'auteur vide ou remplit à son gré d'humanité les personnages qu'il met en scène, seuls les personnages féminins restant toutefois d'éternels étrangères peu sympatiques (!), cette liberté d'un personnage non uniforme à travers l'oeuvre offre pour moi une réflexion sur le statut de personnage dans les bulles graphiques, genre qui donne finalement à l'auteur une marge de manoeuvre bcp plus vaste que dans le roman ou dans le cinéma ou l'absence d'apparence physique pour l'un et la présence corporelle de l'acteur pour l'autre limite le champ de création. 

Ce télescopage et cette liberté formelle sont intriqués à la richesse kalédoïscopique de l'oeuvre qui joue sur de nombreux registres -absurde, humour noir, chroniques sociales- interrogeant des thèmes de société très variés dans une réflexion toujours aigüe et parfois cruelle -relations humaines, rapport à l'argent, rapport entre couches sociales etc.-, offrant en arrière-plan l'image acide d'une société capitaliste émergente. Si l'on ajoute une cohérence remarquable de ce manwha -stylistique et sur les plans des idées- et une séquence finale inattendue dans la nature qui clôt l'oeuvre de manière surprenante et forte, on obtient un excellent cru. Je tiens toutefois à prévenir qu'il nous manque à nous lecteurs occidentaux des clés de compréhension culturelle concernant la Corée qui nous font passer à côté d'idées ou trouver étrange certains symboles que l'éditeur aurait pu expliquer, même s'il est vrai comme le faisait remarquer un autre chroniqueur de bds que les notes que l'on trouve dans les mangas et manwhas en préface ou postface sont souvent bien lourdes et nuisent à l'ensemble.
 

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incipit du Marécage ci-dessus et ci-dessous, d'emblée le ton global est donné

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chambre d'étudiants surchargée

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vive Noël !!! :S

on ne tardera pas à revenir en Corée pour un prochain post avec Kim Dong Hwa autour de histoires de Kisaeng.

Publié dans monde coréen (manwha)

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